Portfolio : Piscine verticales Atlas des Régions Naturelles, Erci Tabuchi
Enquête : Réflexion sur les piscines modernes, Jeff Wiltse
Projet : L'ombre des tournesols, Julien Béneyt
Critique : Nage libre, Paul Steinbrück

La piscine entre dans le domaine de l’habitation au début du 20e siècle. D’abord réservée aux demeures luxueuses, la mise au point des procédés industriels rend progressivement la piscine accessible aux classes moyennes. Dès les années 50, les piscines conquièrent les jardins des banlieues américaines qui s’étendent. À la fin des années 60, les États-Unis comportent environ 800  000 piscines. Le nombre de piscines enterrées approche les 4  millions à la fin des années  90. La France devient le second marché mondial et…

La piscine entre dans le domaine de l’habitation au début du 20e siècle. D’abord réservée aux demeures luxueuses, la mise au point des procédés industriels rend progressivement la piscine accessible aux classes moyennes. Dès les années 50, les piscines conquièrent les jardins des banlieues américaines qui s’étendent. À la fin des années 60, les États-Unis comportent environ 800  000 piscines. Le nombre de piscines enterrées approche les 4  millions à la fin des années  90. La France devient le second marché mondial et comptera bientôt 2  millions de piscines. Ce qui singularise la piscine domestique, c’est à la fois son essor rapide et la capacité de cet espace à produire des rituels sociaux et des représentations qui lui sont propres. Durant les années  60 la piscine est un thème récurrent des peintures de David   Hockney, et Ed Ruscha publie «Nine swimming pools (and a broken glass) ».
Dans le Sud de la France, Merleau-Ponty achève «L’œil et l’esprit » au bord d’une piscine dont le volume carrelé empli d’eau, de reflets et de distorsions offre le récit d’une expérience fondamentale de la perception. Par l’intermédiaire des séries télévisées et du cinéma, les pool parties et pool side gossips deviennent, autour des piscines, les rituels spécifiques de la sociabilité. Comme tout nouvel espace social, le développement de la piscine privée est traversé d’enjeux politiques. Dans les banlieues de l’après-guerre, la piscine devient le signe d’un confort matériel accompli et la promesse d’une vie de famille épanouie.
En Europe, les piscines industrielles dont les noms évoquent la côte ouest américaine témoignent d’une domesticité pavillonnaire sous influence américaine. Les recherches de Jeff Wiltse, sur l’histoire sociale de la piscine aux État-Unis corrèlent le développement des piscines privées avec le déclin de l’espace civique et communautaire qu’ont, durant la
première partie du 20e  siècle, constitué les piscines publiques. Avec la fin de la ségrégation raciale, la piscine privée devient pour les nageurs blancs un espace exclusif et de repli. Un bassin chez soi n’est plus une eau partagée. Les bassins viennent parfaire les mondes clos, suffisants et confortables des habitations pavillonnaires (1).
Eric  Tabuchi, archive les piscines verticales qui surgissent des paysages de bords de route, totems moulés et promesses synthétiques d’aventures au fond du jardin à prix abordables. Julien  Béneyt retrace l’histoire des Piscines Tournesol conçues par Bernard   Schoeller qui ont essaimé partout en France des espaces publics portés par l’imaginaire enthousiaste et futuriste des architectures de la fin des années  60. Paul Steinbrück clos ce numéro sur les
enjeux de la nage sauvage en ville, interdite à la fin du 19e  siècle, que de nombreux collectifs, notamment en Europe, ré-actualisent et politisent.

Sébastien Martinez-Barat

(1) Les recherches pour ce numéro s’appuient sur celles effectuées dans le cadre de l’exposition «Domestic
Pools » qui s’est tenue du 10 février au 18 mars 2018 à la Villa Noailles à Hyères, commissariat assuré par
Sébastien Martinez-Barat, Benjamin Lafore et Audrey Teichmann.

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